En octobre dernier, j’étais à Maputo, la capitale du Mozambique, avec quelques jours à occuper. J’ai décidé d’explorer les questions liées au handicap et à la santé mentale. Par curiosité et par facilité, c’est ce que je connais. Pour accéder à un petit bout de réalité dans ce pays en allant y chercher ce qui m’est familier. Comme une occasion d’entrer dans des lieux, de rencontrer des gens, de discuter de ce qui les occupe. Mais en si peu de temps ce qu’on attrape ce sont des impressions.
Je suis arrivée avec quelques articles et noms trouvés sur internet, mais à peine parce que même l’institutionnel y passe largement sous le radar. Sur place, j’ai obtenu quelques contacts en demandant à droite à gauche.
Aller à l’hôpital psychiatrique, rencontrer un jeune mozambicain salarié d’une ONG spécialisée dans le handicap… on a le sentiment de voir et d’entendre en une dimension, tellement on a peu l’imagination du contexte. Et pourtant les sens sont aiguisés ; même impressionnistes, les perceptions sont fines. On décode des comportements, on reconnaît des atmosphères, on fait des liens avec des univers plus familiers. Ces intuitions forment une matière riche et fragile ; elles sont précieuses. Ce texte, Santé mentale et handicap au Mozambique. Instantanés d’une première exploration, également publié sur le site Atelier de sociologie narrative, tente d’y mettre des mots.
Instantané 1. La psychiatrie c’est où ?
Instantané 2. Portrait en pointillé d’un psychiatre cubian ou d’un hôpital psychiatrique
Instantané 3. Déchiffrer les panneaux – A quoi sert d’afficher les droits ?
Instantané 4. Au Ministère de la Santé, Département de santé mentale
Effets de contexte 1 – Effets de contexte 2
Lors de cette brève incursion dans l’univers mozambicain de la santé mentale, j’ai orienté les discussions vers mes sujets de réflexion actuels, depuis les interrogations sur les pratiques de gestion de l’agitation ou de la violence à l’hôpital jusqu’à l’intérêt pour la diffusion du langage des droits. Implicitement, mes interventions étaient cadrées par deux séries de questions.
Comment traite-t-on, dans tous les sens du terme, les personnes qui ont des troubles psychiques quand leurs comportements perturbent trop fortement la vie quotidienne ? Qu’est-ce qui perturbe au point qu’on est amené à faire quelque chose, y compris au sein des lieux de soin ?
Quelles formes prennent les actions en matière de santé mentale globale ou de handicap qui sont portées par des organisations internationales et appuyées par des principes universalistes modelés à partir du contexte des démocraties occidentales ? Quelle réalité recouvrent les mots qui utilisent l’affirmation des droits humains fondamentaux comme un levier pour améliorer les pratiques de soin ?
Dans ce pays qui remonte le long de la côte Est juste au-dessus de l’Afrique du Sud, cette ancienne colonie portugaise, à l’indépendance relativement tardive et à la longue guerre civile, dans ce pays situé au fond des classements internationaux sur l’état de santé et le niveau de vie des populations, dans ce territoire aussi où terres cultivables et gisements de gaz naturel attirent entreprises ou Etats étrangers, j’ai aussi cherché les effets de similitude. Ces effets m’ont frappés au fil du temps passé pour mes recherches dans des hôpitaux psychiatriques et d’autres lieux de soin, avec des personnes ayant des troubles mentaux graves et des professionnels ou des proches. Dans des univers liés à la psychiatrie, en France mais aussi aux Etats-Unis ou au Chili, on retrouve le poids du quotidien vécu au milieu des troubles où l’on navigue entre éviter l’abus et risquer l’abandon, où l’on continue à projeter tout en s’accommodant de l’inertie. Au moment d’en rendre compte, pourtant, ce sont plutôt les effets de distorsion qui sont apparus et le difficile accès à la réalité nommée.